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16 août 2012

NE TIREZ PAS SUR LE PRÉPUCE


Le développement des organes génitaux du nourrisson de sexe masculin concentre souvent beaucoup d’interrogations et d’inquiétudes de la part de parents trop souvent inquiets de savoir si tout fonctionne bien. Des pratiques souvent ancestrales et traditionnelles, occasionnant des manipulations excessives, aboutissent encore trop souvent à des pathologies provoquées de la verge lors des premières années de vie. La peau qui recouvre l’extrémité du sexe masculin, le prépuce, est en particulier l’objet d’attentions parfois excessives, comme l’illustrent les quelques exemples qui suivent.



Sven, âgé de 9 mois, est amené en consultation d’urgence par sa mère qui a découvert le matin même un peu de sang rouge au milieu de la tâche d'urine habituelle qui humidifie sa couche. En examinant les organes génitaux de ce nourrisson, on découvre un discret suintement hémorragique issu du frein du prépuce qui a été superficiellement érodé. Cette lésion est traumatique car sa mère apprendra rétrospectivement que la nourrice de Sven est habituée, lors des changes des jeunes garçons dont elle a la garde, de décalotter l’extrémité de leur verge comme la tradition familiale lui avait appris, pensant en cela éviter des problèmes de phimosis ultérieur.


Stéphane, 4 ans, est amené en urgence par sa mère très inquiète, un lundi matin car, depuis la veille, il existe un gonflement douloureux de l’extrémité de la verge de son fils. Le fourreau du prépuce est complètement rétracté et gonflé, enserrant le gland qu’il ne peut plus recouvrir du fait de l’œdème. Il s'agit bien sûr d'un paraphimosis dont toute réduction manuelle est devenue impossible au fil des heures. La mère de Stéphane avait pris l'habitude de décalotter, dans le bain du dimanche soir la verge de son fils bien que cette manœuvre se soit toujours révélée difficile, douloureuse et visiblement redoutée par son garçon. Elle suivait en cela ce qui lui avait été recommandé, dès la maternité, par la plupart des médecins qu'elle avait été amenée à consulter pour son enfant. Mais cette fois, la traction du prépuce avait été plus insistante et prolongée, si bien que toute réintégration à l’état initial s’était avérée impossible. Une cure chirurgicale de ce paraphimosis dut être réalisée en urgence. Depuis Stéphane ne tolère plus, avec raison, que l’on touche à "son zizi."

Joan, 4 ans ½, est amené en consultation par sa mère qui s’inquiète de l’aspect de la verge de son petit garçon. Elle raconte qu’elle avait pris l’habitude de décalotter régulièrement le prépuce de Joan, suivant en cela les conseils de son entourage familial et de médecins qu’elle avait interrogés à ce sujet. Elle était ainsi arrivée fièrement, dès l’âge de 9 mois, à rétracter complètement le prépuce de son jeune garçon. Chaque manœuvre était visiblement douloureuse pour Joan, cet exercice s’accompagnant assez régulièrement de petites déchirures de la peau du prépuce qui saignotait fréquemment. Ces exercices devenaient de plus en plus mal tolérés par Joan et sa mère. Celle-ci  avait donc espacé les séances progressivement pour les interrompre vers l’âge de 2 ans puisqu'à cette époque le gland pouvait être décalotté en totalité, bien que toujours plus ou moins difficilement. Deux ans plus tard, sa mère est très étonnée de ne plus pouvoir du tout rétracter le prépuce qui fonctionnait si bien auparavant. Celui-ci est de fait épaissi, blanchâtre, induré avec un orifice punctiforme et toute manœuvre de traction est strictement impossible. Il s’agit visiblement d’un phimosis secondaire lié à une sclérose et une rétraction cicatricielle de lésions post-traumatiques du prépuce. Une circoncision sera effectuée quelque temps plus tard sur la verge de Joan. Elle devra même être associée à une "méatoplastie" du fait d'une légère sclérose associée du méat urétral.

Les temps changent, les pratiques médicales évoluent.


Lors de mes études médicales (au siècle dernier...), il m'avait toujours été enseigné que le prépuce des enfants devait être décalotté progressivement mais régulièrement et fermement afin d'éviter des «adhérences» nuisibles au bon fonctionnement de cet espèce de bonnet qui se devait de coulisser dès les premiers  mois de la vie de ce petit homme. C'est donc très consciencieusement et avec  le sentiment du devoir accompli que j'effectuais ce geste régulièrement sur toutes les verges qui me tombaient entre les mains... Bien sûr, il y avait des prépuces récalcitrants ou des mères effarouchées qui me contestaient. J'expliquais patiemment que cela était nécessaire et "qu'à cet âge, il ne sentait rien et que de toute façon, il ne s'en souviendrait pas"Au fil des années, je devenais cependant de moins en moins persuadé du bien-fondé de cette manœuvre qui s’accompagnait surtout de saignements et de cris aigus, me mettant de plus en plus mal à l'aise.

C'est donc avec joie que je tombai un jour sur l'article d'un confrère [1] qui venait libérer ma conscience embarrassée et m'ouvrir les yeux sur une pratique surannée d'un décalottage systématique, plus  ancestrale et traditionnelle que justifiée par des motifs médicaux et anatomiques. Ce confrère plus expérimenté expliquait que le "développement normal de la verge suffisait à assurer son bon fonctionnement à l'âge adulte» et que, par conséquent, il ne fallait rien faire" sur une verge d'enfant.

Cet obscur objet du désir


A la naissance, 95 % des petits garçons ont un orifice préputial serré, ne permettant pas de visualiser le gland qui est ainsi masqué. Le prépuce non rétractile est secondaire à une coalescence balano-préputiale (entre la muqueuse du gland et la peau du prépuce) qui est physiologique et disparaîtra dans la très grande majorité des cas avec le temps et le développement de la verge. Une étude statistique longitudinale (2) réalisée chez 1968 jeunes garçons Danois, âgés de 6 à 17 ans et suivis sur huit années est très parlante. De manière spontanée, 63% des enfants âgés de 6 à 7 ans ne peuvent décalotter totalement leur prépuce et chez les 37 % d'enfants restants cette manœuvre est donc spontanément possible. Arrivés à l'âge de 17 ans, avec la croissance de la verge et les manipulations spontanées de chaque enfant, seuls 1% de ces garçons ont un prépuce encore trop étroit et 1% un phimosis vrai serré. 

Rectangles blancs: évolution naturelle de la possibilité 
de décalottage préputial partiel (%) selon l'âge (0-16 ans)




L’âge auquel le prépuce devient complètement rétractable est donc variable et augmente avec le temps. Vers l’âge de trois ans, la plupart des garçons peuvent rétracter partiellement la peau de ce prépuce en devenir et l'on visualise en tous cas le méat urinaire par une rétraction douce. À mesure que le pénis grandit, la face interne du prépuce se sépare graduellement du gland, permettant une rétraction progressive. Le prépuce ne devrait donc jamais être écarté de force. L'âge moyen de première rétraction totale du prépuce est de 10 ans 1/2 selon une autre étude basée sur un questionnaire (3). L'existence de prétendues «adhérences» qu'il faut à tout prix lever est un mythe (4). Une adhérence est un terme anatomo-pathologique (soudure de deux surfaces au décours d'une cicatrisation tissulaire qui s'est compliquée de saignement, de suppuration ou encore d'un autre processus pathologique). Or, si l’on ne touche pas à la verge d'un nourrisson, il ne peut pas se produire d'adhérences. Il n'existe ici qu'un défaut (transitoire) de clivage entre le feuillet interne du prépuce et le feuillet superficiel du gland. La desquamation des cellules épithéliales du gland donne naissance au "smegma", enduit blanchâtre caséeux que l’on voit volontiers s’accumuler sous une partie limitée du prépuce et qui s’éliminera toujours lors de l’ouverture progressive de l’orifice préputial.

Aspect de phimosis (à gauche) 
et de prépuce totalement 
rétractable (à droite)
Le phimosis vrai se définit par un orifice préputial étroit, resserré ne laissant pas du tout voir l'orifice urinaire sous-jacent. L’indication d’une plastie ou d’une circoncision pour phimosis congénital ne requiert bien évidemment aucune urgence et peut attendre l’âge de 5 ou 6 ans. 

Cette intervention chirurgical doit de toutes façons d’être précédée par un essai de traitement corticoïde local. Il faut choisir une pommade corticoïde forte, niveau III (bétaméthasone) ou IV (clobétasol) pour être efficace. L’application quotidienne ou biquotidienne durant un mois à un mois et demi de corticoïde sur l’extrémité du prépuce permet volontiers (dans environ 90% des cas) un assouplissement de la texture cutanée (5, 6). Des cures supplémentaires de corticoïdes permettent d'améliorer le taux de succès global en cas d’échec ou de récidive. Ce traitement local évitera une anesthésie, une intervention et ses risques éventuels (rétention d'urines, hémorragies, surinfection, sténose du méat).
En revanche, si ce prépuce est manipulé de manière traumatique, ce forçage risque de produire de véritables adhérences cicatricielles. Si ce décalottage énergique est effectué en force et de manière répétée, il se produit des déchirures longitudinales de la peau du prépuce. Celui-ci risque alors de cicatriser en se rétractant et en se sclérosant, surtout si des infections préputiales se surajoutent (7). Il apparaît alors un phimosis véritable, mais secondaire, acquis, comme cela a été démontré de façon rétrospective chez les enfants opérés d'un phimosis.

Sous prétexte d'hygiène



Il existe enfin des auteurs affirmant qu'il serait nécessaire de décalotter la verge des enfants afin d’assurer une hygiène parfaite de celle-ci. Ces théories hygiénistes ont même fait conseiller par l’école pédiatrique américaine des circoncisions systématiques de tous les nourrissons dont l’effet de mode parait dorénavant s’essouffler (8). En fait, il n'existe pas plus d'infections  du  prépuce  que de dermites du siège chez les bébés à qui l'on met en permanence des couches et donc soumis à une macération des urines. Chez le plus grand garçon, il n'existe sûrement pas plus d'infections du prépuce que de panaris ou d’impétigo sur le reste du revêtement cutané. De toute façon, il suffit de traiter alors ces infections locales par des soins antiseptiques locaux. Les prépuces serrés n’ont pas de raison de s'infecter plus fréquemment que les prépuces ouverts. La seule indication d’excision du prépuce précoce (avant un an) pour des raisons médicales serait l’existence d’un reflux vésico-rénal ou d’une autre uropathie malformative importante. Le risque d’infection urinaire ascendante parait dans ces cas nettement diminué avec un gland découvert non colonisé par les germes de voisinage (9).

Cessons donc enfin d'agresser inutilement et de faire souffrir les petits garçons. Que l’on n'entende plus jamais dans nos maternités et les cabinets médicaux le classique commandement: "Dans le bain, tous les jours, le prépuce de ton petit garçon, tu décalotteras".

Nos habitudes traditionnelles doivent être remises en cause, surtout lorsqu’elles sont sources de plus d'inconvénients que de véritables avantages. Il n'existe aucun argument anatomique ou hygiéniste qui tienne la route dans la pratique du décalottage précoce et systématique des verges des enfants. Il s'agît là surtout de séquelles de rituels coutumiers probablement sous-tendus par des fantasmes à caractère sexuel (crainte de l'absence d'activité sexuelle normale à l'âge adulte). Le nourrisson et le jeune enfant n'ont pas à ressembler à un homme en miniature. Pour plus de renseignements sur les fonctions et la physiologie du prépuce, ne pas hésiter à visiter le site "Droit au corps"(10) où de nombreuses références internationales sont disponibles.

Faisons confiance au développement physiologique de nos enfants. La nature n'est peut-être pas si mal faite qu'il soit tout le temps nécessaire d'en corriger les petites particularités. Laissons les prépuces grandir et se développer sans se préoccuper des héritages socio-culturelles. Nous éviterons ainsi beaucoup de sang, de sueurs et de larmes... et aussi quelques actes chirurgicaux excessifs et discutables.


Dominique LE HOUEZEC



Mise à jour du 22.08.2014: Scoop médical annoncé au congrès AIDES de Melbourne par le Dr Bertran Auvert sur l'efficacité de la circoncision sur la prévention du SIDA. Une étude menée en Afrique du Sud, depuis le début 2000, a eu pour objectif de proposer une circoncision préventive aux jeune garçons dans une "township" près de Johannesburg avec le soutien de l’Agence française de lutte contre le SIDA. Un accroissement progressif de la population masculine circoncise a mis en évidence deux fois moins de contaminés dans le groupe des sujets circoncis. C'est une très bonne nouvelle pour la lutte contre le SIDA. Ceci ne justifie cependant pas d'utiliser cette technique préventive dans les pays où cette maladie infectieuse peut être prévenue par d'autres moyens (préservatif) et où le taux de personnes porteuses du virus est beaucoup plus faible.


(1) NAOURI  A. "Décalotter ou ne pas décalotter le pénis des bébés et des petits enfants". L’Enfant bien portant. Seuil (2004)
(2) OSTER J. Further fate of the foreskin. Incidence of preputial adhesions, phimosis, and smegma among Danish schoolboys.  Arch Dis Child. 1968;43 (228):200-3.   
(3) THORVALDSEN MA, MEYHOFF H. Pathological or physiological phimosis? Ugeskr Læger. 2005; 167 (17): 1858–62.
(4) CENDRON  J. Urologie pédiatrique. Flammarion, 1985, 241-242
(5) IKEN A. Traitement du phimosis par une application locale de clobétasol. Etude prospective chez 108 enfants. Progrès en Urologie (2002), 12, 1268-1271 
(6) JORGENSEN E.T, SVENSSON A. The Treatment of Phimosis in Boys with a Potent Topical Steroid (Clobetasol Propionate 0,05%) cream. Acta Dermato-venereologica. 1993, 73, 1: 55-56.
(7) PFAFF  G. BOLKENIUS M. Hands off the prepuce. Lancet 1984;2(8407):874-875
(8) American Academy of Pediatrics. Newborm male circumcision (27.08.2012)
(9) Singh-Grewal D, Macdessi J, Craig J. Arch Dis Child. 2005 Aug;90(8):853-8. Circumcision for the prevention of urinary tract infection in boys: a systematic review of randomised trials and observational studies. 
(10) Droit au corps " Le prépuce, qu'est que c'est ?" (15.05.2013)

2 commentaires:

  1. C'est en 1887 que le docteur américain John Harvey Kellogg prescrivit pour la première fois des flocons de maïs (corn flakes) à ses patients. L'année suivante, il commercialisait, avec son frère, ces pétales ou flocons de maïs, qui devinrent un des petits-déjeuners les plus populaires des Étazunis d'abord, et de presque toute la planète ensuite.

    Ce même docteur Kellogg préconisait la circoncision et la clitoridectomie pour lutter contre la masturbation : « Un remède presque toujours efficace contre la masturbation chez les jeunes garçons est la circoncision. L’opération doit être faite par un chirurgien sans anesthésie, car la douleur de courte durée pendant cette opération a un effet salutaire sur l’esprit, surtout si elle est associée à l’idée de punition. Pour ce qui est des femmes, l’auteur a découvert que l’application de phénol pur sur le clitoris était un excellent moyen de maîtriser l’excitation anormale » (les brûlures au phénol sont très douloureuses et longues à guérir).

    Sans commentaires.

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  2. Pour information, une tribune du chirurgien et sexologue Ronald Virag sur la circoncision s'est tenue lors du colloque intitulé "La circoncision, un geste d'avenir !". Pour celui-ci, la circoncision n'influence pas la vie sexuelle des hommes.
    Nous étions présent à ce colloque et ce chirurgien, totalement pro-circoncision, met en avant une alliance médecine / religion.
    La vidéo de ce colloque sera bientôt disponible de l''association "Droit au Corps" (http://www.droitaucorps.com/) et une réaction officielle contre cette mutilation est à venir.

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